Al-Farabi
- L'Inventeur -
Al-Farabi (872/950AD-259/339H) est né près de la ville de Farab en Transoxiane, dans la région de l'Asie centrale. Les détails de sa vie sont peu connus. Il semble que son père était un officier de l'armée, d'origine turque ou peut-être persane. On sait également que, encore jeune, il s'est installé à Bagdad où il a passé la majeure partie de sa vie. Dans cette ville, Al-Farabi aurait appris la langue arabe avec le chrétien nestorien Ibn Haylan comme son premier précepteur. Par la suite, Al-Farabi a étudié la logique, la grammaire, la philosophie, la musique, les mathématiques et toutes les sciences de l'époque.
Al-Farabi illustre la figure du grand sage. Bien qu'il ait écrit sur des sujets politiques, tout indique qu'il n'a pas occupé de fonctions administratives. Admirable musicien, il se trouvait au Caire mais aussi à Alep sous la protection du prince Saïf al-Dawlah, partisan des arts et des lettres de l'époque. Dans les dernières années de sa vie, on retrouve Al-Farabi à Damas, en Syrie, dont le métier consiste à être gardien d'un jardin.
Les idées d'Al-Farabi ont favorisé un bond en avant dans le domaine de la falsafa. C'est à lui que l'on doit les théories les plus originales et les plus créatives dela philosophie chez les Arabes. De plus, il était un éminent logicien connu pour une série de commentaires sur l'œuvre d'Aristote. Dans son Traité sur l'intellect, il a proposé une épistémologie selon une division de l'intellect qui a influencé non seulement la falsafa, mais qui a été aussi l'une des œuvres les plus connues de l'Occident médiéval latin. Outre son profil logique, il ne manquait pas d'imprégner ses thèses d'une grande spiritualité.
Al-Farabi connaissait en détail la philosophie grecque, son évolution et la transmission de ce savoir à travers d'autres centres d'études, traçant un itinéraire de l'histoire de la pensée à partir des Chaldéens, transmis aux Égyptiens, de ceux-ci aux Grecs, en passant par les maîtres qui ont succédé à Platon et Aristote, les penseurs d'Alexandrie, soulignant la transmission du savoir à Antioche en Syrie, reconnaissant le rôle des chrétiens dans la transmission de la philosophie aux Arabes et, enfin, citant les principaux penseurs qui l'ont précédé dans un passé proche. Cette posture de vision universelle et ancrée de l'histoire de la philosophie, explique, en partie, qu'Al-Farabi se soit senti aussi le continuateur de l'héritage du savoir de son temps.
Si la falsafa a commencé avec Al-Kindi, elle a pris des contours plus précis avec Al-Farabi, et c'est à lui que l'on doit les principaux piliers qui ont soutenu la falsafa à partir de ce moment-là. Celui que l'on appelle le « Second Maître » - Aristote étant le « Premier Maître » - à une époque où l'assimilation de la philosophie était déjà une réalité dans le monde arabe, a trouvé un moment plus favorable pour développer ses thèses avec plus de profondeur, de créativité et d'originalité.
La présence des thèses d'Al-Farabi a été globale et dans plusieurs directions, ayant profondément marqué de nombreux penseurs qui l'ont suivi non seulement en Orient mais aussi dans l'Occident médiéval. Dans le domaine de la métaphysique, inspiré par l'observation logique d'Aristote selon laquelle la notion de ce qu'est une chose est n'inclut pas le fait que la chose existe, Al-Farabi a posé une balise important dans l'histoire de la philosophie en soulignant la distinction entre la notion d'essence et celle d'existence.
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Source © : Timbre commémoratif Al-Farabi. URRS, 1975. Détail.
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La Cité Excelente - Al-Farabi
La Cité Excellente est l'une des œuvres les plus importantes de la falsafa, écrite à l'époque de la maturité d'al-Farabi, qui résume ses idées dans tous les domaines de la philosophie, comme une sorte de sceau avec lequel Al-Farabi relie les différents domaines de la philosophie à l'unisson.
La Cité Excellente commence par la métaphysique, dans laquelle le primordialement existant est affirmé comme le fondement ultime de l’existence. Celui-ci, dans son unicité la plus radicale, se déploie et fait découler de soi-même une série d’autres existants. Après avoir décrit le flux existentiel des existants qui sont pure intelligence, le texte entre dans le domaine de la cosmologie, présentant la constitution des cieux, des planètes et le mouvement des étoiles. Avec l'engendrement de la Nature, les minéraux, les végétaux et les animaux précèdent les êtres humains, au sommet de l'échelle des combinaisons complexes basées sur les éléments eau, terre, feu et air. L'étude des facultés humaines commence par les sens externes, en passant par l'imagination jusqu'à atteindre l'intellect, qui occupe la partie centrale du livre. Dès lors, les modes de groupements humains sont étudiés pour que les êtres humains puissent atteindre leur plus haute perfection, c'est-à-dire le bonheur. Cette tâche ne peut pas être accomplie par l’individu seul, mais il doit être dans la cité, mais pas dans n’importe quelle cité, mais dans une cité qui recherche l’excellence à la fois dans l’action et dans la compréhension de l'ensemble énigmatique des choses de l'Univers, y compris l'être humain. La Cité Excellente est présentée, en partie, sur la base des catégories trouvées dans la République de Platon, mais Al-Farabi développe son livre dans un sens très particulier, articulant une série d'autres sources, qu'elles soient péripatéticiennes, néoplatoniciennes ou issues de la arabe et islamique elle-même, lesquelles se présentent d'une manière nouvelle pour l'époque, configurant une sorte de refondation d'une grande partie de la tradition philosophique précédente. Le système philosophique d'Al-Farabi est largement créatif et original. Il n’est pas exagéré de dire qu’une bonne partie du vocabulaire et bon nombre des idées principales de la falsafa sont présentes dans ce livre d’Al-Farabi. Qu'ils l'aient suivi ou critiqué, les philosophes de langue arabe ultérieurs et de nombreux scolastiques du Moyen Âge latin ne lui ont jamais été indifférents. Dans cet héritage de sagesse, le « Second Maître » aborde les principaux sujets de la philosophie et ses développements en quête de la compréhension, réunissant le tout avec une haute maîtrise.